Vous allez bientôt travailler en France, l'un des pays dont vous rêviez pour les vacances mais moins pour le travail.
Une fois la phase de lune de miel terminée, vous vous installez maintenant au travail. Vous allez à votre première réunion du labo. L'invitation par e-mail indiquait 10h00, vous arrivez donc à 10h00 - dans une salle vide. Votre responsable arrive 10 minutes plus tard, s'excuse brièvement et vous suggère d’aller prendre ensemble un café… car personne n'est encore arrivé. 15 minutes plus tard, les collègues arrivent, les discussions démarrent : la réunion a l’air d’avoir commencé. Vous essayez d’intervenir, mais quelqu'un vous coupe. Vous vous sentez déconcerté(e ) par une conversation rapide et bruyante (est-ce qu’ils se disputent ?) Finalement vous abandonnez, pensant que peut-être qu’ils ne veulent pas de vous ici.
La culture n'est pas seulement quelque chose d’accessoire, concernant les musées d'art ou les règles d'étiquette. Cela touche à notre identité. Toutes ces petites choses dont nous ne sommes pas vraiment conscient(e)s sur notre mode de relation avec les autres et qui nous donnent notre sentiment d’appartenance. Travailler dans un autre environnement culturel, où la normalité est différente, peut vous mettre mal à l'aise, voire en colère, d'autant plus lorsque vous n’arrivez pas mettre le doigt sur ce qui ne va pas.
Comprendre ce qui pourrait être normal en France par rapport à ce qui pourrait être normal dans votre culture peut vous aider à vous orienter dans votre nouvel environnement. Cela peut aiguiser votre regard pour remarquer des comportements qui pourraient être dus à des différences culturelles et pas seulement à la personnalité ou au style de travail de votre collègue. Une fois que vous avez identifié le décalage culturel, il est plus facile de trouver des solutions pour être à l'aise dans votre environnement de travail.
Voici trois domaines à surveiller lorsque vous travaillez avec les Français
En France, les réunions peuvent commencer à l'heure, mais pas nécessairement. Il n'est pas terriblement impoli d'être en retard de quelques minutes pour une réunion avec des collègues ou des amis (mais attention à être à l'heure pour les rendez-vous administratifs.) Les Français ont un rapport polychronique au temps : le temps est flexible. Programmer une heure de démarrage de réunion donne un ordre d’idée qui n’est pas à prendre à la lettre. Les interruptions, les modifications de planning ne sont pas un problème. Les relations sont importantes. Ceci est différent des cultures monochroniques où le temps est comme une ligne mesurable. Les tâches sont exécutées séquentiellement. Il s'agit avant tout de faire avancer les choses dans un délai donné.
Que pouvez-vous faire ? Partagez votre perception du temps. Assurez-vous que tout le monde soit d'accord sur les raisons pour lesquelles la deadline est importante (est-ce seulement important pour vous ?), pourquoi être à l'heure à la réunion du laboratoire est utile pour l'équipe ? Pensez à inclure des moments pour socialiser dans votre réunion. En fait, s'entendre sur les règles des réunions d'équipe peut rendre la vie bien plus facile.
Pour en savoir plus sur la polychronie-monochronie, regardez ceci.
Dans certaines cultures, les gens sont explicites, (on parle aussi d’un style de communication à contexte faible) : toutes les informations peuvent être mises en mots, même par écrit. Les informations sont fiables, complètes, exhaustives. Dans d'autres cultures, les gens sont plus implicites (on parle d’un style de communication à contexte fort) : les mots doivent être interprétés et non pris à la lettre. Pour comprendre ce qui est dit, vous devez prendre en compte le contexte : à qui s’adresse-t-on ? ( est-ce que je parle au patron ou à un pair?), est-ce que cela se passe lors d'une réunion formelle ou à la machine à café, quel est le langage du corps, quelles sont les autres références partagées ? Par rapport aux autres pays occidentaux, les Français peuvent apparaître très implicites (bien que les Asiatiques puissent les trouver plus explicites). Cela signifie que vous devrez peut-être poser plus de questions pour obtenir les informations dont vous avez besoin. Essayez de ne pas vous sentir blessé par la brusquerie avec laquelle les Français pourraient répondre. Dans le style implicite français, ils ont tendance à prendre pour acquis que vous comprenez. Cela ne devrait pas vous empêcher de demander plus d'explications. Une question est plus facile à gérer qu'une erreur.
Pour en savoir plus sur le contexte fort - contexte faible.
Que pouvez-vous faire à ce sujet ? Pensez à travailler votre réseau : si les gens vous connaissent, ils vous fourniront plus d'informations. Les personnes provenant de cultures implicites sont moins à l'aise avec la communication par e-mail. Si vous voulez une réponse rapide ou si la question est importante, téléphonez. Envoyez un e-mail pour confirmer le contenu de votre conversation par la suite, ou si une preuve écrite est nécessaire. Si vous envoyez un e-mail, votre homologue peut penser : « Si c'est vraiment important, il / elle m'appellera. Je n’ai pas à répondre maintenant. » Le débat fait partie du style de communication français, même s'il peut paraître tumultueux. Ils s'attendent à ce que vous insistiez, fassiez une autre offre ou contredisiez. N'hésitez pas à le faire !
Bien que la plupart des organisations soient moins hiérarchisées qu'auparavant, les Français ont encore tendance à avoir une certaine déférence envers les personnes de pouvoir. L'égalité est une obsession dans la société française depuis la Révolution. Napoléon, pourtant « fils de la révolution », est à l'origine d'un système d'élite, les « Grandes écoles ». Ces écoles s'inscrivent bien dans l'égalitarisme : sur le papier, tout le monde peut y entrer, quel que soit son milieu familial ou sa situation financière grâce à un système de concours. On s’attend à ce qu'un manager provienne d'une grande école. Si vous souhaitez en savoir plus sur les « grandes écoles ».
L'école publique française, « gratuite, laïque et obligatoire », est l'une des pierres angulaires de l'égalitarisme français et remonte aux années 1880. Les méthodes d'enseignement évoluent rapidement, cependant certaines pratiques désuètes persistent. Beaucoup de vos collègues étaient habitués à un style d'évaluation très critique de la part de leur enseignant : la perfection est recherchée et l'apprentissage par essai et erreur n'est pas considéré comme une méthode pédagogique majeure. Cela pourrait expliquer la réticence de certains managers face au feedback. Soit ils évitent complètement de donner des commentaires (pour ne pas humilier les autres comme ils ont eux-mêmes été humiliés à l'école), soit ils donnent des commentaires globaux imprécis (positifs mais non informatifs, ou encore directs, voire blessants), comme ils ont reçu durant leur scolarité.
Que pouvez-vous faire pour obtenir des commentaires sur vos erreurs ? Savoir donner et recevoir un feedback constructif, si important dans les situations de travail, est un domaine interculturel sensible. En France, vous devrez peut-être courir après votre responsable pour obtenir des commentaires précis afin de savoir si vous vous en sortez bien dans votre nouvel environnement. Alors, demandez un entretien, expliquez vos besoins et posez des questions fermées pour obtenir des informations qui vous seront utiles.
Aller au-delà des différences culturelles
De toute évidence, les gens sont divers et singuliers. Cela fait peur de les enfermer dans leur culture. Parler de différences culturelles, c'est parler d'une tendance, d'un comportement statistiquement significatif, pas plus. Votre kit de survie au travail consiste à travailler à partir de vos ressentis d'inconfort : identifiez vos propres préférences (culturelles ou non), exprimez votre ressenti, élucidez le malentendu et négociez un modus operandi qui fonctionne pour toutes les personnes impliquées. Les équipes internationales qui sont performantes savent créer leur propre culture.